Big Brother vous regarde : l’UE renforce sa surveillance sur les services crypto

par | Réglementations

L’Autorité Bancaire Européenne vient de publier un rapport sur les mesures restrictives que devront adopter les fournisseurs de services crypto. Censée protéger les utilisateurs et lutter contre le blanchiment d’argent, cette approche va à l’encontre de l’idée de décentralisation, chère aux investisseurs en cryptomonnaies.

L'Europe adopte des mesures restrictives sur les cryptomonnaies

Les nouvelles mesures strictes de l’Autorité Bancaire Européenne

Les règles changent, et elles inquiètent la communauté crypto.

Le 14 novembre 2024, l’Autorité Bancaire Européenne (ABE) a publié un rapport intitulé « Lignes directrices sur les politiques internes, procédures et contrôles », qui impose de nouvelles obligations aux fournisseurs de services crypto (Crypto-Asset Service Providers ou CASPs).

Dans l’idée, ces directives ont pour objectif d’uniformiser la mise en œuvre des mesures restrictives dans toute l’Union Européenne, un sujet réglementaire qui revient souvent sur la table pour un secteur perçu comme difficile à encadrer.

Dans la réalité cependant, les principales mesures abordées dans ce rapport sonnent comme une menace pour une industrie basée sur des valeurs de liberté et de décentralisation :

  • Mise en place de systèmes de filtrage : Les CASPs devront utiliser des outils pour identifier les cibles des sanctions, incluant les individus et les entités sous surveillance.
  • Surveillance des transactions : Tous les transferts de crypto-actifs devront être examinés avant d’être effectués, notamment pour détecter les tentatives de contournement des restrictions.
  • Obligation de déclaration : Toute violation des mesures doit être signalée aux autorités nationales compétentes.
  • Recours à des tiers et externalisation : Les CASPs peuvent faire appel à des fournisseurs de services tiers pour assurer le respect des mesures restrictives.

Ces règles s’inscrivent dans un cadre législatif plus large, avec notamment le règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets), adopté en 2023. Ce dernier impose des règles strictes aux émetteurs de stablecoins et aux plateformes d’échange, censées réduire la volatilité du marché et garantir la sécurité des investisseurs.

Toutefois, ces initiatives suscitent des débats. Si elles renforcent la protection des utilisateurs et limitent les risques liés à l’utilisation des cryptomonnaies pour des activités illégales, elles soulèvent également des préoccupations quant à leur impact sur l’innovation et la philosophie même de la décentralisation.

Une stratégie à l’opposé de celle des États-Unis

Alors que l’Europe adopte une posture stricte envers les cryptomonnaies, les États-Unis pourraient bientôt suivre une trajectoire opposée.

Avec le retour de Donald Trump à la présidence, une approche plus favorable aux actifs numériques semble se dessiner. Trump, qui a exprimé à plusieurs reprises un soutien à l’innovation financière, envisage de créer un cadre plus libéral pour les cryptomonnaies. Parmi ses propositions :

  • Des incitations fiscales pour encourager l’adoption des actifs numériques ;
  • Un allègement des réglementations pour les entreprises opérant dans ce domaine ;
  • Une réforme de la SEC, marquée par le départ possible de son président actuel, Gary Gensler, connu pour sa posture agressive envers le secteur crypto.

Cette divergence illustre des visions radicalement différentes. Là où l’UE voit dans les cryptomonnaies un risque nécessitant une surveillance accrue, les États-Unis pourraient chercher à capitaliser sur leur potentiel économique et technologique.

Cette dynamique reflète également des tensions idéologiques profondes : l’Europe favorise un contrôle centralisé, tandis que les États-Unis semblent vouloir promouvoir une approche plus libre et décentralisée, fidèle à l’esprit des cryptomonnaies.

L'Europe adopte des mesures restrictives sur les cryptomonnaies

Protéger ou contrôler ? Le débat sur l’avenir des cryptos

L’Europe justifie sa posture par la nécessité de protéger les utilisateurs contre les risques de fraude, le blanchiment d’argent et les cyberattaques. Elle cherche également à renforcer la transparence et la confiance dans un marché souvent associé à des pratiques douteuses.

Cependant, cette volonté de régulation pourrait freiner l’innovation et alourdir les charges administratives pour les entreprises du secteur. Certains analystes y voient une tentative de « centraliser la décentralisation », en rendant l’UE incontournable dans un écosystème qui aspire pourtant à l’autonomie.

Paolo Ardoino, PDG de Tether, avait récemment dénoncé la grande complexité de cette nouvelle législation, la qualifiant de « problématique ».

« Il est clair que le message envoyé est que l’Europe ne veut pas de la crypto, avec une réglementation qui limite largement l’accès à celle-ci, notamment pour les investisseurs particuliers. »

– Paolo Ardoino, PDG de Tether, émetteur de l’USDT

Les partisans d’une politique plus libérale, comme celle envisagée aux États-Unis, sont convaincus que les cryptomonnaies incarnent une révolution technologique qui pourrait transformer les systèmes financiers mondiaux.

En adoptant une approche pro-crypto, les États-Unis pourraient attirer les entreprises et les talents de ce secteur en pleine expansion, laissant l’Europe en retrait.

Avec ces approches opposées, l’avenir des cryptomonnaies semble se jouer sur une scène mondiale fragmentée. Si l’Europe persiste dans sa stratégie de contrôle, elle pourrait perdre une partie de l’élan technologique au profit des États-Unis ou d’autres régions plus accueillantes. Mais en cas de dérives, les critiques de la décentralisation pourraient voir leurs craintes justifiées. Une chose est sûre : la bataille idéologique entre régulation et liberté ne fait que commencer.

Guillaume Lépinay

Fondateur de Crypto Bubble, webdesigner et rédacteur, tombé la tête la première dans la marmite crypto en 2020. Investisseur et degen confirmé.

par | 16 Nov 2024